En 1910, on ne soupçonne pas encore à quel point l’apparence féminine sur le Vieux Continent s’apprête à basculer. Dès 1914, la guerre resserre l’étau sur les matières premières, mais dans l’ombre des ateliers feutrés, la soie et les broderies continuent d’être domptées par quelques mains audacieuses. Dans ce climat tendu, une poignée de créatrices s’imposent, proposant des vêtements où la fonction prend le pas sur la pure démonstration, même si la silhouette corsetée reste encore bien ancrée.
Les inspirations orientales, les courants artistiques novateurs et les mutations sociales s’entrecroisent. Les accessoires, longtemps relégués au rang de simples ajouts, se chargent soudain d’un discours neuf, parfois même provocateur.
Pourquoi la décennie 1910-1920 marque un tournant dans l’histoire de la mode
Ce qui frappe dans la mode de cette décennie, c’est sa volonté de rompre avec la raideur du XIXe siècle. Paris, capitale incontestée de la création, voit naître une effervescence nouvelle. L’ombre rassurante de la belle époque s’estompe pour laisser place à une urgence de modernité. Les couturiers parisiens repoussent les limites héritées du XVIIIe siècle. En quelques années, la silhouette féminine abandonne le corset et se réinvente autour de lignes droites, reflet d’une société qui cherche à se réorganiser.La Première Guerre mondiale accélère ce bouleversement. Privées de certains tissus, les maisons de couture imaginent d’autres solutions ; la nécessité de praticité s’invite dans le quotidien des femmes. Mobilisées dans les usines ou les bureaux, elles réclament des vêtements qui accompagnent leurs mouvements. Ce contexte rebat durablement les cartes de l’histoire de la mode.
Trois grandes tendances s’imposent alors :
- La robe raccourcit et s’allège, tandis que les étoffes gagnent en souplesse.
- Les accessoires, longtemps accessoires justement, s’affirment et donnent le ton de toute une époque.
- Le style vintage de ces années reste encore aujourd’hui une source d’inspiration pour les créateurs et les amateurs.
La France tient le premier rôle dans cette transformation. Dans les ateliers parisiens, les idées fusent : coupe droite, taille abaissée, tissus inédits. Ici, le vêtement devient le reflet d’une époque qui veut faire entendre sa singularité. La mode s’aligne sur l’air du temps, épouse les aspirations individuelles et collectives.
Des corsets aux coupes droites : comment les styles vestimentaires se transforment
Entre 1910 et 1920, la mode féminine prend ses distances avec la contrainte. Le corset, symbole d’un passé révolu, disparaît progressivement. Les couturiers redessinent le corps : la poitrine s’abaisse, la taille s’efface, le vêtement suit une ligne de plus en plus épurée. Les robes droites, en soie ou en coton délicat, entrent dans le quotidien des citadines. Quant à la jupe, elle ose se relever au-dessus de la cheville, une audace qui ne laisse personne indifférent.Le style vestimentaire se simplifie. Les ornements tape-à-l’œil disparaissent pour laisser place à des détails raffinés : broderies géométriques, perles fines, jeux de transparence subtils. En soirée, la robe adopte une taille basse, prémisse d’un style qui s’imposera tout au long des années folles. Les femmes empruntent à la garde-robe masculine, s’approprient le tailleur droit, accessoirisent avec le fameux chapeau cloche. La silhouette garçonne fait son apparition : cheveux courts, lignes nettes, allure assumée.
Voici ce qui caractérise cette transformation :
- La robe s’adapte, oscillant entre longueurs et coupes selon les moments de la journée.
- La soie reste reine, mais la laine et le jersey se font une place, preuve d’un besoin de confort.
- L’habit féminin devient un allié du mouvement, pensé pour accompagner une vie plus active.
La mode féminine de cette époque ne se contente plus d’embellir : elle porte la marque d’une conquête, celle d’une liberté inédite. Chaque détail témoigne d’un changement de cap, chaque choix vestimentaire résonne comme une affirmation.
Art, guerre et émancipation : quelles influences façonnent les tendances de l’époque ?
Les années 1910-1920 voient la mode se modeler sous l’effet de profonds bouleversements. La Première Guerre mondiale redistribue les priorités : les ateliers de couture s’adaptent, les tissus se font rares, l’inventivité s’impose. Les femmes, devenues indispensables à l’effort collectif, revendiquent des vêtements fonctionnels. Les tenues de travail s’imposent, la jupe se fait plus courte, les coupes se simplifient. Sur le plan stylistique, robustesse, sobriété, efficacité dictent les nouvelles tendances mode.L’esprit art déco se propage dans les ateliers. Les créateurs s’approprient les codes du mouvement artistique : motifs géométriques, lignes claires, imprimés inspirés de l’architecture et du vitrail. Cette esthétique moderne, à la fois raffinée et radicale, devient la signature visuelle de la décennie. Les frontières entre art et industrie de la mode s’estompent : le vêtement n’est plus seulement fonctionnel, il devient manifeste.Parallèlement, la libération féminine s’accélère. La guerre a fissuré les anciennes normes : la tendance garçonne se traduit dans des coupes droites, des cheveux courts, une allure affranchie. L’habit accompagne cette génération qui refuse la reproduction des anciens modèles, préférant tracer sa route.
Trois influences majeures se dégagent :
- L’expérience de la guerre renforce la recherche de simplicité et de mobilité dans les vêtements.
- L’empreinte de l’art déco façonne l’aspect visuel des tenues.
- L’affirmation d’une mode féminine indépendante, reflet d’une société en recomposition.
Icônes et créateurs visionnaires, moteurs d’une évolution stylistique durable
Au cœur de cette transformation, quelques icônes s’imposent et bouleversent la mode avec un aplomb remarquable. Paul Poiret, pionnier du genre, fait tomber le corset pour libérer la silhouette. Il ose la fluidité, les tissus précieux, les références orientales : son influence imprègne tout le début du siècle.Dans son sillage, Coco Chanel fait souffler un vent de radicalité. Son credo : la simplicité, le jersey, les lignes franches, le tailleur pratique. Elle façonne la mode féminine moderne, celle qui conjugue élégance et fonctionnalité. Le chapeau cloche, la petite robe noire : des symboles qui traversent les décennies. Chanel, insaisissable et avant-gardiste, impose l’idée qu’un style fort passe par l’épure.Jean Patou et Madeleine Vionnet s’inscrivent dans cette dynamique : Patou invente le vestiaire de la femme sportive et active, Vionnet révolutionne la coupe en biais, offrant à la robe une souplesse inédite. La recherche technique rejoint la quête d’harmonie.
Pour mieux cerner leur impact, voici les figures marquantes de la période :
- Paul Poiret : artisan d’une coupe affranchie
- Coco Chanel : figure du style contemporain
- Jean Patou et Madeleine Vionnet : inventeurs d’une nouvelle élégance
Leurs noms résonnent encore, portés par la mémoire collective. Ces créateurs ont tracé un sillon, dont l’empreinte se lit sans effort jusque dans les collections d’aujourd’hui. Un siècle plus tard, leur audace continue de nourrir l’imaginaire et de faire vibrer le présent.


